Point-Cœur Saint-François
Uruguay
Ville : Montevideo (1,3 millions d’habitants)
Quartier : Lavalleja au nord de Montevideo (150 000 habitants)
Date de fondation : 3 novembre 2015
Fête du Point-Cœur : 4 octobre
Présentation du pays et du quartier :
L’Uruguay est un jeune pays de 191 ans sous l’influence de ses deux grands voisins : l’Argentine, pays frère, et le Brésil avec lequel les échanges économiques sont nombreux. Il y a aussi une évidente influence européenne, notamment française, ainsi que guarani et africaine pour la population native et les descendants des esclaves venus d’Afrique. La population s’est majoritairement formée par les vagues d’immigration successives de ces deux derniers siècles, en particulier depuis les pays d’Europe en guerre : Espagne, Italie, France, Allemagne, Pologne…
Le pays fût un temps la Suisse de l’Amérique mais traverse aujourd’hui une période plus difficile. L’Uruguay a la caractéristique d’être totalement laïc depuis 1925.
Ce quartier plutôt rural est très mélangé, entre classes moyennes et plus pauvres. Ces quinze dernières années ont vu le climat général du quartier changer énormément à cause de nouveaux mouvements de population et de l‘arrivée de la drogue, de la violence et des gangs. Dans les parties plus pauvres, les enfants sont très nombreux. Ils viennent souvent au Point-Cœur et permettent aux volontaires d‘entrer dans les familles et dans la vie du quartier.
Apostolats extérieurs :
- Visite hebdomadaire du foyer « Don Orione-Cottolengo » qui accueille plus de 300 hommes handicapés mentaux de 4 à 99 ans.
- Participation aux missions organisées par l’église locale pour les jeunes
« Après un mois ici, je suis si étonnée de constater combien déjà mon cœur tressaille de joie à la vue de certains visages qui deviennent peu à peu familiers. Et davantage encore de constater combien nous sommes attendus dans certaines maisons… Les dames de la paroisse qui prennent tant soin de nous, si librement et gratuitement, nous ont aussi indiqué les personnes seules ou souffrantes que nous pourrions visiter.
Et voilà que certains déjà nous ont ouvert leurs cœurs, ont déposé en nous toute leur souffrance et dans un regard bien clair et vrai, nous ont offert leur amitié et leur cœur : Il y a Gabriela, qui a perdu l’an dernier parents et époux… Et puis, Anita, une grand-mère au cœur d’enfant, si vite au bord des larmes de tant de solitude et de peur gardée en elle. Et Ana Maria, cette femme si digne et si droite au milieu des décombres de sa maison qui est en fait un hangar, au milieu des décombres de sa famille ravagée par la drogue… »
Mathilde C., Montevideo, 2015
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Un moment entre amis !
Benjamin est depuis plusieurs mois au Point-Cœur de Montevideo. Vivian est un pilier fidèle du chapelet, et l’amitié ne fait que grandir.
Je connais Vivian depuis le début de ma mission. Elle vit avec Wilson son époux, et Alan son neveu. Vivian a de gros soucis de mémoire et, peut-être pour cela, elle a une grande réserve à chaque fois qu’un nouveau arrive dans la communauté. Une fois ce cap de la confiance passé avec moi, c’est incroyable comme notre amitié s’est enrichie ! Toute sa famille nous avait accompagnés à notre sortie du 1er janvier, et 2019 a vu bien d’autres moments partagés avec elle ! Très souvent, Vivian vient en début d’après-midi pour prier le chapelet avec nous. Cette fidélité à la prière qu’elle a, m’a vraiment ouvert les yeux, tandis que je vivais chacune de ses visites comme une épreuve de patience, (elle arrive souvent à l’heure de la sieste, moment sacré dans notre journée bien chargée !), elle a su m’aider à vivre pleinement ma prière par l’intensité qu’elle y met. Après quelques semaines avec ce rythme de visites de Vivian pour prier, la voici qui arrive un après-midi chez nous avec un peu d’avance. Je lui ouvre la porte encore à moitié endormi et lui demande si elle est venue pour prier. Vivian me répond en riant : « Non, je suis venue passer un moment avec mes amis ! » Dans la mission, j’ai vu plus d’une fois que l’extraordinaire jaillit de la routine. Dans cette situation si simple, Vivian a su me montrer qu’elle était bien plus que « l’amie du chapelet», mais une amie en vérité qui cherche avant tout à passer du temps avec nous. Aujourd’hui, elle est, plus que jamais, présente auprès de « ses amis les missionnaires » comme elle nous appelle. Parfois, elle vient alors que nous sommes déjà avec d’autres amis, et alors elle se place silencieusement dans un coin, heureuse de pouvoir être auprès de nous. Déjà en France, j’étais heureux de pouvoir fêter les anniversaires de mes amis auprès d’eux. Maintenant plus encore, et nous avons donc reçu Vivian et Wilson pour leur double anniversaire avec Alan, Fernando leur fils (qui a mon âge), Natalia sa compagne et Mateo leur enfant. Sans notre invitation, ils n’avaient pas trouvé une occasion de le fêter tous ensemble entre le travail (pour Fernando et Wilson) et l’école (pour Alan). La fête était belle, et le moment était si rare, si profitable que je l’ai vraiment vécu comme la fête d’une seule et même famille dont notre communauté faisait partie.
Mary, une amie qui occupe mes pensées et mon cœur
Comment vous parlez de Mary, à la vie si chaotique… Mathilde, du Point-Cœur de Montevideo, « déchausse ses sandales » pour nous présenter cette amie du quartier.
Si je ne vous partage que des faits, vous serez peut-être horrifiés. Les gens du quartier, qui pourtant n’ont pas toujours une vie simple non plus, ont souvent jugé Mary sans appel. Alors, je ne partage pas souvent sur la vie de Mary avec d’autres. Et pourtant, il me semble que Mary est une femme très digne et très forte, humble dans sa misère, joyeuse dans ses épreuves et qui garde au cœur l’espérance alors qu’elle est sans cesse nouvellement abandonnée ou mise en face de « ses échecs ». Parce qu’elle consommait un dérivé de la cocaïne, on lui avait retiré ses enfants, un à un. Cette drogue très peu chère et très addictive rend bien difficile une possible récupération. Mais Mary en est sortie et, petit à petit, elle a récupéré ses quatre enfants. Elle est venue vivre dans la partie la plus pauvre de notre quartier. Ce n’était pas le meilleur mais, pour la première fois, elle avait un foyer à elle, travaillait et prenait soin de ses enfants. Nous sommes arrivés dans le quartier presque en même temps. Alors que nous parlions avec une voisine, elle s’est approchée et nous a demandé d’où nous venions. Dès ce premier instant, elle nous a marqués, car elle s’est approchée de nous spontanément, et puis, très vite, elles nous a présenté ses enfants et raconté un bout de son histoire. Chacun de ses enfants, selon leur besoin, allait dans une école différente. Avec ses voisins, c’était parfois compliqué. Pourtant nous avons souvent rencontré dans la maison de Mary une femme hébergée parce qu’elle vivait une situation de violence domestique grave. Même si Mary paraissait forte, la situation déjà exigeante s’est compliquée. Mary porte une histoire bien lourde, ses enfants aussi et cela a eu pour conséquence qu’en un an, trois de ses enfants ont dû rejoindre un foyer. Mary aussi a dû partir du quartier et, aujourd’hui, elle vit avec le petit dernier, Jairo, qui a quatre ans. Jonathan, le plus grand, a fêté ses quinze ans, cela faisait trois mois qu’une fête se préparait avec de l’argent qu’il avait lui-même économisé. Et cela faisait trois mois que nous étions invités. Mary nous avait prévenus : « Vous êtes notre seule famille, vous ne pouvez pas manquer nos anniversaires ! » Et elle nous rappelle très souvent les dates de chacun. Le jour de l’anniversaire est donc arrivé, nous allions tous nous retrouver pour l’occasion ! Cela faisait deux mois que nous n’avions plus vu Mary, en raison du déménagement et des activités de la maison. Mais, voilà que, ce jour-là, Mary nous dit qu’elle n’ira pas… Nous nous doutons que la raison doit être sérieuse. Alors nous décidons de nous partager en deux : Alexis et Sixtine iront à l’anniversaire, et, avec Bernardo, nous retrouverons Mary. Nous arrivons au lieu de rendez-vous et il n’y a personne, nous patientons plus d’une heure, nos messages restent sans réponse, même si nous voyons que Mary les lit… Je me souviens d’un élément de son adresse, alors nous décidons de partir à la recherche de sa maison. Je laisse un nouveau message à Mary. Finalement, elle répond : « Je veux être seule, je ne veux voir personne. » Cela nous inquiète et nous continuons notre quête. Nous décidons d’acheter quelques petites choses pour au moins les lui laisser avec un petit paquet que je lui avais préparé, qu’elle puisse sentir la présence d’un autre à ses côtés dans sa détresse… Nous commençons à prier en chemin, un chapelet d’Ave Maria et Notre Père qui n’a plus de fin. Et là, je me souviens que Mary nous avait laissé son adresse un jour. Nous reprenons notre chemin, un peu plus confiants, et faisons une petite halte dans une jolie église en chemin. Et, finalement, nous arrivons au carrefour indiqué, il nous manque le numéro de porte. Arrêtés devant un passage étroit, nous appelons Mary et, cette fois-ci, elle répond au téléphone. Là où nous sommes arrêtés, elle vient… nous l’avons trouvé. Tout de suite, Mary nous raconte pourquoi elle n’était pas à l’anniversaire, elle nous fait écouter un message de son fils l’interdisant de venir et la traitant de tous les noms, les larmes brillaient dans ses yeux et la colère et la tristesse avaient envahi son cœur, colère et tristesse pour Jonathan et Valentina, qui, à l’occasion d’une rencontre entre eux, avaient mal parlé de leur maman et rejeté toute leur propre peine et colère sur elle. En ce jour tant attendu, qui devait être un jour de fête, la famille était davantage divisée. Mary nous a ensuite raconté ses deux derniers mois, où elle avait vécu dans trois maisons différentes et, chaque fois, à cause des grandes difficultés de comportement de Valentina, ils avaient dû partir. Valentina est donc la dernière qui est partie vivre en foyer et, ce jour-là, elle était à l’anniversaire de son frère. Après nous avoir raconté tout cela, Mary est plus tranquille, elle nous offre un maté, sort les petits gâteaux que nous avons apportés et puis s’exclame : « Vraiment, je ne pensais pas que vous arriveriez jusque-là, je vous croyais déjà repartis ! Et puis, je voulais être seule car je pensais que c’était le mieux. » Mary reprend ses confidences, mais Jairo, le petit, vient les interrompre innocemment et rend la joie à sa maman. Mary n’est pas en reste et ainsi, même dans ce contexte, nous avons aussi bien ri et profité de ce moment de retrouvailles, après ces deux mois. Aujourd’hui, les trois grands de Marie, Jonathan, quinze ans, Milagros, treize ans, et Valentina, douze ans, vivent dans différents foyers. Cela veut dire que Marie n’a plus aucune autorité ni droit sur eux. Il lui reste maintenant son petit dernier, proche d’elle. Mary n’est pas la maman idéale et, autour d’elle et de ses enfants, il n’y a pratiquement pas de famille, les amitiés vont et viennent et ne sont pas toujours des meilleures. C’est beaucoup de solitude, d’échecs et de douleur. Pourtant, elle n’abandonne pas. Et puis, elle est capable de nous faire nouvellement confiance, en nous ouvrant son cœur et en nous offrant son amitié et sa vie, simplement, telle qu’elle est. Cette amitié est chère à mon cœur, à notre communauté et il y a là un terrain sacré où je ne puis entrer sans « retirer mes sandales », c’est à dire l’écouter et la connaître avant tout jugement et l’accompagner pour porter avec elle un bout de sa vie.
Gonzalo, Nelson et Elian
D’anniversaire en rencontre, les visites du Point-Cœur d’Uruguay étonnent par leur simplicité et leur Providence.
Gonzalo fut un des premiers enfants que nous avons connu et il a tout de suite conquis mon cœur. Il avait alors quatre ans et jouait au petit dur, cherchant l’attention des adultes. Cela a pris quelques mois pour qu’il me laisse l’approcher et l’embrasser, mais alors quand finalement, il se laissa faire, qu’il était heureux et moi aussi ! Sa grand-‐mère est la référence sûre de sa vie, mais elle travaille et puis elle doit laisser aux parents le soin de s’en occuper. Gonzalo adore son papa et ne pense qu’à être avec lui. Et son papa essaye bien de prendre soin de son fils mais la drogue l’emporte très souvent… La pire bêtise que j’ai vu faire à Gonzalo fut un superbe lancer de pierre qui arriva tout droit dans la fenêtre de voiture de notre fidèle amie Liliana… Tous les garçons de notre quartier jouent au lance-pierre pour chasser les oiseaux, dans le meilleur des cas. Mais ce jour-là, nous avons juste vu la fenêtre voler en éclats, puis, plus rien et personne dans la rue. Quelques mois plus tard, au détour d’une conversation, Gonzalo rappela l’évènement et accusa son petit ami Lucas qui se défendit bien-‐sûr ! Il n’avait pas oublié et profita de ce moment pour nous avouer son méfait. Le jour de son anniversaire, nous sommes allés le visiter, un petit cadeau à la main. Gonzalo était heureux mais courut bien vite à l’intérieur pour être de nouveau avec son papa, présent à ce moment là. La grand-‐mère nous raconta que personne ne lui avait fêté son anniversaire et que sa maman était par-‐ tie la veille avec un nouveau compagnon, laissant ses deux enfants. Comment un enfant peut-il être abandonné ainsi ? Et ses parents, combien de souffrances et d’absences écrites sur leurs visages et dans leurs cœurs… Il était déjà tard, alors, nous avons invité Gonzalo à déjeuner le lendemain. Il aura ainsi, dans un coin de son cœur, le souvenir d’une petite fête en son honneur et d’un gâteau d’anniversaire tant attendu. Il est arrivé à l’heure, impeccable, accompagné de sa petite sœur, Milagros, et de leur grand-mère. Elle nous laissa les deux. Ce fut une fête pendant tout le repas. Tout le moment qu’il passa avec nous, Gonzalo garda son attitude d’enfant, tendre, espiègle, joueur et joyeux. Sa petite sœur, d’abord bien timide, a aussi bien profité du moment. Bref, cela restera, je l’espère, comme un souvenir lumière dans le cœur triste de Gonzalo.
Et puis, dernièrement, nous avons fait la connaissance d’Elian. En réalité, cela faisait longtemps que nous la cherchions… Chaque semaine nous visitons le Cottolengo où vivent deux-‐cent garçons de zéro à quatre-vingt-dix-neuf ans, qui ont un handicap ou une déficience mentale ou psychiatrique. Et presque chaque semaine, nous voyons Nelson. Nelson a onze ans. Il est atteint d’épilepsie, d’un handicap mental et physique. Ce qu’il aime par dessus tout, c’est que nous l’emmenions se promener et que nous le laissions marcher à son aise. Il est fou de joie lorsqu’il nous voit et s’agite au moment du départ… Avant, Nelson attrapait ma main et me faisait caresser la tête d’un autre enfant mais, dernièrement, il a commencé à diriger ma main vers lui, Nelson a appris à mendier l’amour dont il a besoin pour grandir… Nous savions, depuis déjà plusieurs mois, que sa maman vivait à la Costanera, mais où ? Et voilà qu’il y a peu, je demande à une amie de ce quartier si elle connaît la maman d’un enfant qui vit au Cottolengo. « C’est ma sœur », me répond-‐elle. « Je l’appelle ! » Elian arrive et nous nous présentons. Elle nous parle avec beaucoup d’amour de son petit dernier qu’elle espère pouvoir récupérer un jour lorsque sa situation sera meilleure. Depuis, nous sommes retournés la voir et nous reviendrons lorsque Nelson sera en visite dans sa maison. Quelle joie de pouvoir connaître sa famille, son histoire, sa maman…
L’exigence de l’amitié : Zulema
Diane est depuis un mois et demi au Point-Cœur de Montevideo en Uruguay. Zulema est sa première rencontre, sa première traversée du quartier et le début d’une belle amitié.
J’aimerais vous présenter plus particulièrement une amie, Zulema. Le jour de mon arrivée, je n’étais même pas encore entrée dans la maison qu’elle me prend par la main, et m’emmène dans sa rue, la Costanera. C’est la rue la plus pauvre du quartier, où la plupart des maisons sont faites de tôles et de planches, et où les ordures jonchent le sol. Zulema marche d’un pas ferme malgré sa hanche qui la fait fortement boiter. Elle n’a plus qu’un œil mais celui-‐ci suffit à lui donner un regard pétillant et farceur : « J’espère que tu vas aimer notre quartier », me lance-‐ t-‐elle avec son grand sourire. Elle me montre sa maison (qui n’atteint pas les dix mètres carrés !) et me présente à tous les gens qui sont assis, là, devant leurs maisons. Zulema me fait penser à une petite fille, elle absorbe toute l’affection qu’on peut lui donner et en demande toujours plus. Un jour que nous étions allés la visiter avec Alexis, celui-‐ci entreprit de passer un coup de balai pour enlever quelques-unes des innombrables toiles d’araignées qui parcouraient les tôles de son plafond. Ce même jour, elle nous donna à chacun deux petits jouets qui trônaient comme « bibelots » dans sa maison. A la fin de la visite, je repartis sans mon nouveau jouet, n’ayant pas le cœur de lui retirer le peu qu’elle possédait. Mais ce fut une bien grande erreur de ma part… Le lendemain, Zulema arriva en pleurant à la maison, blessée par le fait que nous ayons trouvé sa maison sale (puisqu’Alexis avait voulu faire le ménage) et que nous ayons dénigré les cadeaux qu’elle nous avait faits ! Bien-‐sûr, de notre côté nous n’avions pas vu les choses de cette façon et, en aucun cas, nous avions voulu la blesser, mais à ce moment-‐là je me rendis compte de notre maladresse… Un autre jour elle arriva à la maison, toute triste : « J’ai plus envie de vivre… de toute manière pour qui je vivrais ? » Elle ajouta qu’elle voudrait se couper les veines. Désemparée, je ne sus que lui répondre, seulement que, oui, ça doit être bien dur d’être délaissée par sa famille, mais que nous, nous l’aimons, qu’elle est notre amie et que nous avons besoin d’elle et surtout qu’elle a du prix aux yeux de Dieu. Nous décidons de l’aider à écrire une lettre à sa fille sur un petit bout de papier, qu’elle n’enverra sans doute jamais, mais qui lui redonne ainsi l’espérance d’avoir des nouvelles en retour. Comme Zulema ne sait pas écrire, je lui dicte et lui montre le modèle de chaque lettre qu’elle copie soigneusement. Après plus d’un heure de discussion et de réconfort, après avoir bu un thé et versé des larmes devant Jésus à la chapelle, Zulema repart avec son grand sourire. Ainsi est Zulema, une grande amie au cœur d’enfant, mais dont l’amitié ne laisse passer aucun oubli, aucun faux pas et nous rappelle sans cesse à notre rôle de missionnaire.
Marta, Daniel, et nous, trois mondes se rencontrent, et pourtant….
Au Point-Cœur de Montévidéo en Uruguay, Mathilde raconte ces rencontres qui deviennent exceptionnelles, d’où naissent des amitiés.
Marta, nous l’avons rencontrée lors de ce dîner de bienfaisance au profit de notre Point-Cœur, où elle s’est liée d’amitié avec Carole (volontaire). Elle nous attendait alors pour nous recevoir chez elle notre jour de repos. Daniel est l’ami de Viviana et ils se sont installés ensemble récemment près de chez nous. Les premières rencontres sont toujours un peu exceptionnelles, quelque chose se passe, surgit dans nos cœurs, des étincelles, une soif immense qui nous appelle à d’autres rencontres.
Voilà comment naissent les amitiés. Il en fut ainsi avec Viviana. Nous connaissions déjà ses enfants car ils étaient arrivés, seuls, au Point-Cœur à diverses occasions, puis Karen, la sœur de Viviana, qui prit soin des enfants alors que Viviana était en prison. C’est Kelsey et Dominika, qui, guidées par Karen, sont allées visiter Viviana récemment sortie de la prison. Une visite incroyable où, dès le début, Viviana, pauvre en tout, a ouvert son cœur aux filles, simplement, partageant ses nouveaux pas de maman, titubant dans le monde : découvrir son autorité et son amour maternel, cuisiner pour eux, se procurer ce dont ils ont besoin… et tout cela sous un toit de tôle étroit, qui laisse passer l’eau de la pluie… Tous ces premiers mois, chaque nuit de pluie, combien je pensais à eux… Si la pluie battait trop fort, elle devait prendre ses petits et aller demander humblement refuge à sa sœur… Aujourd’hui, la maison s’est un peu arrangée. Suite à cette visite, les filles invitent Daniel et Viviana à déjeuner chez nous dès le lendemain. Le jour suivant, il est 13h et nos invités n’apparaissent pas… Venir déjeuner dans notre maison est un peu étrange et intimidant… alors Kelsey et Dominika partent les chercher et ils reviennent tous ensemble. Viviana et Daniel sont si nerveux qu’ils rient à tout instant, d’un rire que je ne voudrais plus entendre tant il est douloureux, tant il parle des souffrances vécues. Mais, petit à petit, ils se tranquillisent et la conversation va bon train, puis, tantôt ces rires, surtout ceux de Viviana, mais aussi toute une discussion qui s’alterne entre le récit de notre vie et la leur, entre leurs angoisses partagées et de grandes questions sur la foi et sur notre mode de vie. Souvent Daniel réexplique à Viviana ce qu’il a compris. Il y a un profond respect dans ses yeux, pour elle et pour nous. Et puis, c’est comme si nos réponses venaient éveiller la possibilité d’une vie différente.
Et voilà ce qu’il s’est passé avec Marta. Ce jour-là, elle allait recevoir Carole et Dominika pour la première fois. Et Marta décida de venir les chercher. Ce ne sont pas tous les amis des beaux quartiers qui s’aventurent jusqu’à notre maison… Alors, nous étions tous là, à l’heure du goûter (encas de 4h, de rigueur ici !) pour la recevoir. Nous avions disposé pour elle tous les thés que nous avions : de France, d’Uruguay et de Pologne ! Mais elle nous surprit par sa simplicité, et, à l’image des pauvres de notre quartier, elle nous partagea un bout de sa vie, les expériences douloureuses par lesquelles elle était passée. Et l’on toqua à la porte : Daniel et Viviana ! Alors que Kelsey conversait avec Viviana à la porte, Daniel entra pour nous saluer. Son visage paraissait bien lointain. Je regardais la scène : Daniel, Marta, et nous… comment cela allait-il se passer ? Daniel s’assit et nous lui proposons de choisir un thé : « Vert ! » Il ne comprend de quoi il s’agit ! « Au citron », nous demande-t-il. Mais, finalement, il se laisse convaincre par Dominika et son thé polonais. Et sans que nous ayons besoin d’intervenir, Marta et Daniel commencent la conversation. Marta demande à Daniel s’il a des enfants, il répond que c’est un peu compliqué. Elle lui dit que, pour elle-même, il en est ainsi aussi, et elle l’écoute. C’est un échange banal qui est, malgré tout, un peu extraordinaire par la simplicité et le respect qui en émane. A ce moment, il n’y a pas de différences entre Daniel et Marta, dans notre salle à manger, ils se rejoignent et échangent sur leurs vies respectives, si différentes et pourtant, comme le montre cet instant, si proches. Puis Daniel, qui semble préoccupé, nous remercie et se lève pour rejoindre Viviana. Viviana était venue demander de l’aide chez nous car, pour l’instant, c’est encore sa sœur qui gère l’argent et elle se retrouve donc un peu sans rien. Kelsey l’a écoutée, lui a donné quelques conseils. Finalement, Viviana est repartie de notre maison sans aide matérielle mais avec son sourire immense. Elle a remercié Kelsey de l’avoir écoutée, de lui avoir donné de nouvelles forces et lui disant qu’elle savait bien que Dieu ne l’abandonnerait pas, qu’il ne l’avait jamais abandonnée… Cela m’a rappelé le jour où nous avons invité à déjeuner Vivian et Wilson pour leur anniversaire. Vivian est bien dépressive depuis qu’elle a vu son fils se noyer, il y a bien des années… Wilson prend soin d’elle et, ensemble, ils prennent soin d’un neveu devenu orphelin de père et dont la mère ne peut s’occuper. Les deux, malgré leur pauvreté, ont une grande dignité, ils sont toujours si bien vêtus et leur maison si bien tenue et, tout cela, dans un style bien à eux qui leur va si bien. Le lendemain de ce repas d’anniversaire, Vivian est venue à la maison et, sur le pas de la porte, elle nous a remerciés en nous disant qu’on lui avait offert le meilleur cadeau d’anniversaire : « El amor… »
Nos amis qui accueillent nos amis…
Depuis déjà un an que le Point-Cœur s’est installé à Montevideo en Uruguay, les volontaires se sont liés d’amitiés avec de nombreux amis qui les ont aidés pour la fondation du Point-Cœur. Jorge est un de ceux là qui s’était chargé des travaux de la maison.

dans la piscine de Jorge…
Jorge, chargé l’an passé des travaux de notre maison, a offert une journée sa maison aux amis de notre quartier. Avec notre fidèle amie, Liliana, et d’autres, ils ont organisés le transport, le barbecue, des lots et des cadeaux pour les enfants et Jorge nous a même prêté ses maillots de bain pour pouvoir nous baigner dans sa piscine !
Le départ du quartier fut épique car il nous fallut rassembler nos amis au petit matin d’une nuit de fête, et cela, sous une pluie battante. Pour cette raison, les maillots de bain avaient été abandonnés ! Mais le soleil est doucement arrivé et ne nous a plus quittés !
Je fus marquée par la fraternité entre tous. Il semblait ne plus y avoir de différences entre nos amis du quartier et ceux qui avaient tout organisé. Et puis, chacun avait son espace et cela, non en fonction de son importance, sinon de ses talents. C’est ainsi que Sulema nous a offert un défilé de mode, que plus tard nous avons découvert que notre amie, Olga, qui ne sait ni lire ni écrire, chante et joue de la guitare avec une voix si pure que le « public » en fut touché. Et puis Antonela a fait ses premières brasses dans la piscine. Pablo, volontaire polonais a fait son premier barbecue : tout un art ici ! Bref, ce fut une belle journée de vacances partagée.

Olga à la guitare
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