Point-Cœur Jules-Monchanin
Inde
Ville : Chengalpet (Tamil Nadu) (62 mille habitants)
Quartier : Big Natham, à l’entrée ouest de la ville
Date de fondation : 25 septembre 2000
Fête du Point-Cœur : 10 octobre
Présentation du pays et du quartier :
Difficile de présenter l’Inde en quelques mots : c’est presque un continent en soi ! Ce pays divisé en 25 états est riche d’une grande diversité. Les indiens sont unis par un véritable patriotisme et une profonde religiosité (particulièrement l’hindouisme largement majoritaire et propre au pays). On peut certainement y ajouter une capacité d’adaptation hors du commun rendue nécessaire par la pauvreté et le faible développement du pays. Le Tamil Nadu, l’Etat dans lequel est installé le Point-Cœur, a une culture particulière et est très attaché à ses traditions. Cela se ressent dans l’habillement (en particulier pour les femmes) et le mode de vie.
Chengalpet (ou Changalpattu selon la nouvelle orthographe) est située à 55 km de Chennai. De petite bourgade calme et religieuse elle est en passe de devenir une banlieue poussiéreuse et active de la grande mégalopole du Sud de l’Inde. Cette petite ville est surtout habitée par des classes moyennes et des gens simples, quelques familles plus pauvres vivent aussi dans des huttes perchées sur une petite montagne au centre de la ville. Le Point-Cœur est dans un quartier de brahmanes et entouré par plusieurs temples hindous. Il y a aussi une petite ruelle où vivent des familles pauvres dont certaines élèvent des vaches et vivent de la vente du lait.
Apostolats extérieurs :
- Visites hebdomadaires à un groupe de femmes de l’hôpital pour lépreux.
- Rencontre chaque mercredi après midi avec les enfants d’un Centre pour jeunes handicapés mentaux.
- Visites régulières à un groupe de familles vivant à la limite de la ville, au-delà de la grande décharge.
Sorties organisées par le Point-Cœur :
- Sorties pour les enfants et les familles au Jardin de la Miséricorde.
Lire les témoignages des volontaires
Ritif et Michal
Des rencontres toujours inattendues, voici que Marguerite du Point-Cœur de Chengalpet, nous présente ces deux garçons que la Providence leur a fait rencontrer.
En avril dernier, alors que la communauté sortait de la messe, deux petits garçons, qui jouaient dans la rue, aperçurent « ces étrangères » et nous suivirent jusqu’à la maison. Ils revinrent tous les jours pendant quelques semaines, dès 7h du matin, trop heureux de pouvoir jouer au kapla et aux cartes, avant de s’absenter pendant de longs mois. Ce n’est qu’il y a quelques jours qu’ils sont revenus et que j’ai fait leur connaissance ! Deux amis inséparables et deux petits monstres courant dans tous les sens et envoyant quelques vulgarités aux autres enfants présents, ce qui provoque quelques bagarres. Ritif, le plus grand en âge (dix ans) et en taille, est le chef. Michal en a neuf. Ses petites jambes maigres ne l’empêchent pas de suivre son ami partout où il va ! Un soir, alors que nous les avions vu la veille dans la rue, très excités, fuyant un homme qui les menaçait de leur jeter une pierre, les parents nous appellent inquiets. Les enfants ne sont toujours pas retournés chez eux pour la nuit et ils nous tiennent presque responsables de cette disparition. Ce n’est que le lendemain, à midi, qu’ils les retrouvent. Ils ont passé la nuit dans une gare, seuls, sans avoir mangé. Deux jours plus tard, les parents de Michal, que nous ne connaissions pas, sont venus nous rendre visite. Ils étaient là pour découvrir où leur fils venait passer du temps après l’école, nous remercier et nous inviter chez eux. Michal était là, tout fier de nous présenter ses parents. Cette famille est hors du commun. Il y a dix ans, ce couple a fait un mariage d’amour, ce qui est encore peu accepté en Inde. Ils ont maintenant vingt-huit ans et ont quatre enfants : quatre garçons tout aussi beaux les uns que les autres. Michal revient régulièrement à la maison avec un nouveau visage sur lequel se dessine, non pas un sourire moqueur, mais un sourire d’une profonde joie ! L’autre jour, il nous a conduit jusqu’à chez lui. Il me proposa de prendre mon sac. De plus, il prit le parapluie, l’ouvrit, leva très haut la main pour le mettre au-dessus de ma tête et ainsi me protéger du soleil… Ils sont craquants, ces enfants. Malheureusement, nous n’avons pas revu Ritif depuis. Je le confie tout spécialement à votre prière. A dix ans, il est déjà impliqué dans tous les malheurs de la rue, alcool, drogue et ne va plus à l’école depuis deux mois. Gardons espérance car Dieu envoie de belles grâces, même au plus profond du gouffre, mais ne lâchons pas la prière !
« Pars heureuse ! »
La mission se termine, et elle est même terminée… Chiara revient sur ce moment important des au-revoir de son Point-Cœur en Inde à travers des rencontres.
Je vous écris du train qui me ramène à Marseille. L’environnement a bien changé depuis mon retour en Europe. Le TGV n’a pas grand-chose à voir avec le train que je prenais parfois pour me rendre à Chennai. Le wagon est silencieux, j’ai un fauteuil bien délimité qui peut même s’étendre pour une petite sieste, les fenêtres sont fermées, les gens sont calmes. Pas de wagon réservé aux femmes, pas de voisines sur ma banquette pour discuter, pas de bébé à calmer, de vendeurs qui passent proposer aux voyageurs des friandises, du thé, des bijoux, des fleurs et des légumes. Comme en Inde, je regarde le paysage qui défile. Je pourrais dire que le calme me pousse à l’admiration des terres au-delà de la fenêtre, pourtant, en Inde j’ai appris à assimiler le bruit comme partie intégrante de la vie : me réveiller le matin avec la musique du temple voisin, entendre les vendeurs ambulants crier le nom de leurs marchandises pendant l’adoration, un temps de prière silencieux le matin. Certes les klaxons étaient parfois pénibles pour une française habituée aux villes peu peuplées et aux grands espaces calmes, mais j’ai appris à ne pas lutter contre le bruit mais à l’inclure dans mon environnement, et si c’est parfois trop dur de l’accueillir, de le laisser couler. C’est ainsi que j’ai appris à prier avec le vendeur de poissons, les voisines qui se disputent, le bébé qui pleure et que, de retour à Marseille, je pourrai prier avec le cri des goélands et les sirènes de pompier.
Je me revois un mois plus tôt dans la rue du Point-Cœur, au moment de dire au revoir aux femmes qui ont été mes voisines et mes guides pendant plus de dix mois. Mes yeux se mouillent aux dernières paroles échangées. Sandra akka me regarde alors en disant : « Il ne faut pas pleurer », puis en lançant le poing en l’air comme un cri de guerre : « Pars heureuse ! » Tel un combattant, elles me lancent sur le champ de bataille de la vie. Suis-je seulement prête ? Elles aussi savent que je n’étais là que pour un temps. C’est difficile pour elles, il faut toujours recommencer, accueillir des nouvelles et accepter de s’attacher à elles tout en sachant qu’elles partiront un jour. Les amis me l’ont beaucoup dit : « Tu arrives, tu ne parles pas la langue, et une fois que tu parles tamoul, que l’on te connaît bien tu repars ! » « Une nouvelle volontaire arrive bientôt ! », leur dis-je pour leur remonter le moral. « Ça ne sera pas pareil. » C’est vrai, ça ne sera pas pareil. Car chaque volontaire est différent et chaque amitié est différente. Pour ma part, j’étais à l’aise dès le début avec les femmes, mais la mission m’a aidée à me mettre à la hauteur des enfants avec qui cela était plus compliqué au début. La mission m’a appris à compter sur les autres, à partager mes joies et mes difficultés en communauté ou avec les amis. Elle m’a aussi appris à lâcher les règles trop rigides, à accepter que les parties de mikado se transforment en concours du plus grand nombre de bâtons en bois dans les cheveux ou en concert de percussion sur la boîte du Memory. J’ai appris que, en fin de compte, la grande finalité de tout c’est l’amour, la manière de me mettre à l’écoute de celui qui est en face de moi.
En Inde, j’ai découvert une culture où l’on ne fait rien à moitié, où il faut plonger entièrement dans la vie, circuler entre les motos, manger avec les doigts, parler fort, où les cinq sens sont continuellement sollicités. J’ai découvert des modèles de vie spirituelle à l’instar de Rosemary akka et Selima akka, qui ont fait de leur vie une prière perpétuelle. Deux femmes, l’une catholique et l’autre musulmane, avec des vies difficiles, marquées par la solitude ou la maladie et qui offrent toutes leurs souffrances à Dieu. Entre deux douleurs, Selima akka, le corps meurtri par une décharge électrique alors qu’elle était adolescente, et qui a subi une vingtaine d’opérations, murmure souvent : « God is great. » (Dieu est grand) Dans chaque maison les amis me font leurs dernières recommandations : « Tu étudies bien, tu travailles bien, tes parents doivent te trouver un bon mari, après tu as de beaux enfants et tu reviens nous voir ! — Kandippa ! » (C’est promis !)
Dîner d’adieu chez Abdul et Selima
Après seize mois de mission au Point-Cœur de Chengalpett en Inde, Guillemette rend visite aux amis pour leur dire au revoir, certains l’invite à dîner en action de grâce pour sa mission. La visite d’au-revoir chez Abdul et Selima fut particulièrement marquante pour la générosité de ses hôtes.
Ce jour-là, Selima va au plus mal, elle souffre beaucoup de ses hernies, et est allongé sur son lit la bouche tordue de souffrance. Nous restons à ses côtés sans trop savoir quoi dire, essayant de lui changer les idées, avec Maria. Je n’ose lui dire que je rentre bientôt dans mon pays… Abdul prend les devants : « Tu pars la semaine prochaine non ? Alors, c’est d’accord, on vous invite à dîner ! » J’aimerais refuser catégoriquement. Ces amis ont eux-mêmes à peine de quoi manger. Régulièrement, on venait leur apporter de la nourriture pour les dépanner. Cette fois-ci, c’est eux qui nous invitent ! Et pas question de refuser ! C’est pour eux un devoir sacré et un grand honneur…
Le lundi suivant, nous arrivons en retard. On se fait gronder, ils nous attendaient de pied ferme ! Etait-ce bien sérieux cette invitation ? En Inde, on ne sait jamais trop à quoi s’attendre… Eh bien OUI ! Tout est prêt !
Sambar, appalams, poisson frit, riz et mangue. C’est un festin de pauvre. Il y a même en quantité ! Chacune de nous se fait resservir. Deux pleines assiettes, on est gâté ! On se laisse embarquer par la joie simple d’Abdul, son rire d’enfant. Tous les soucis et douleurs de Selima se sont aussi envolés, elle nous donne avec enthousiasme les détails du menu. Oui, nos amis ont décidément un très grand cœur !
Quand les cœurs se libèrent
Guillemette est dans son dernier mois de mission à Chengalpett en Inde, elle nous présente des amis, Angeli et les enfants de la colline… cœurs assoiffées, plein de vie et de souffrances…
Angeli, notre « petite sœur »
Dernièrement, nous avons reçu Angeli pour trois jours à la maison. Cette amie qui vit au Jardin est si jeune (elle n’a que seize ans) et, à la fois, elle est déjà si mûre, si généreuse, si souriante ! Et pourtant, combien la vie l’a éprouvée… Elle, qui ne peut plus rentrer chez elle, car ses parents veulent la marier de force à un homme âgé pour éponger leurs dettes. Nous l’aimons beaucoup ! Elle est incroyable ! Nous avons passé ce temps ensemble comme si elle était notre petite soeur. Elle était enthousiaste de tout… La première dans la cuisine pour éplucher les tomates et évider la coconut. Elle est venue visiter nos amis dans le quartier comme si elle les avait toujours connus, se préoccupant de leurs difficultés. Et, avec joie, elle priait à nos côtés Dieu « qui prend soin d’elle ». Le plus beau était cette visite au Leprosery Hospital, où elle a rencontré une autre Angeli. C’est une jeune fille de dix-‐huit ans qui a la lèpre. Après avoir quitté cette fille qui a presque son âge, souffrant de la lèpre, notre Angeli est pensive, le visage préoccupé, elle me dit : « C’est injuste. Pourquoi Dieu permet-il cela ? » — « Peut-être Dieu la veut-il plus prêt de lui, parce qu’il l’aime plus particulièrement ? », lui aurait dit Mère Térésa.
Akkapasangel, nos amis du quartier en haut de la colline
Nous aimons aller visiter cette ribambelle d’enfants pleins de vie, un peu sauvages ! Ils sont livrés à eux-mêmes la journée car leurs parents travaillent et nous sautent dessus à notre venue pour jouer. Nous avons appris la triste nouvelle, le mois dernier, tout juste en rentrant de Varanasi, que ces trois enfants pétillants, Greeta, Naresh et Prakesh, venaient de perdre leur père qui s’était suicidé. L’ambiance alors est pesante, le chagrin nous prend au cœur. Quand nous apprenons la nouvelle, nous sommes sans voix, le cœur lourd. Les enfants nous invitent à partager le repas pour l’occasion. Notre présence les touche. Nous sommes discrètes, en retrait. Le lendemain, ils nous invitent à nouveau, la vie a repris. Nous jouons toute la matinée avec les enfants excités, ils ont tant d’énergie à décharger (toutes ces questions, pleurs, douleurs, angoisses…) La maman nous implore de les inviter au Jardin. Une semaine plus tard, nous les invitons au Jardin. Quelle énergie ! Quelle joie ils ont ! Ce bain d’air frais, de verdure, d’espaces… Leurs cœurs se libèrent, ils courent, jouent, dansent librement. Brother Dominic, grand oncle du Jardin, y vivant depuis quinze ans, après avoir perdu sa jambe gauche, a concocté du poulet en sauce. Il y a plus que de mesure ! Les enfants se régalent et se resservent. Ils se sentent aimés, c’est l’essentiel ! « A quand la prochaine fois ? » « On retourne bientôt à Nemeli ? » « Nemeli me manque déjà ! » Bref, la vie est belle et riche ! Nos cœurs sont remplis d’heureux évènements ici…
Les femmes du quartier du Point-Cœur de Chengalpet
Chiara est en Inde depuis quelques mois et elle découvre toujours plus la beauté des femmes de sa rue et de son quartier !
Au fil des mois, je me sens de plus en plus appartenir au quartier, faire partie du voisinage, compter dans le groupe de femmes de notre rue. Chacune d’entre elles continue de m’introduire dans leur culture, de m’expliquer les rituels quotidiens. Je sens de plus en plus que la relation change : je suis là parmi elles. De fait, nous sommes invitées à toutes les célébrations des femmes du quartier : fête pour l’arrivée de la puberté de la jeune fille, fiançailles, mariage, baby shower pour les neuf mois de grossesse. Etre une femme en Inde, c’est vraiment faire partie d’un cercle, d’une confrérie. Toutes doivent (ou devraient) revêtir le sari, porter des boucles d’oreilles, bracelets de bras et de pieds, collier, bijoux de nez, dessiner un point de couleur sur le front, s’attacher les cheveux pour sortir. C’est magnifique et aussi très exigeant. Ce sont des femmes fortes, ces femmes indiennes, des femmes qui se lèvent à quatre heures du matin pour stocker l’eau qui arrive une fois par semaine ou alors aller la chercher à la pompe et porter des bidons de vingt litres sur la hanche. Dès cinq heures, elles nettoient devant leur porte, tracent des kolams puis cuisinent pour la famille. Ensuite, il faut faire la vaisselle, laver les vêtements à la main, nettoyer la maison. Bien que je sois loin d’être totalement une jeune femme indienne, quand il m’arrive, le soir, de discuter (en tamoul !) avec les voisines sur le pas de la porte, alors que nous sommes toutes habillées en nighty (sorte de chemise de nuit qui sert de tenue pour la maison), je me sens l’une d’entre elles.
Je voudrais vous parler d’une autre amie du quartier, Ramia, une amie de longue date du Point-Cœur. Bien qu’elle ait un an de plus que moi, Ramia m’appelle « auntie » (tante), comme les autres volontaires avant moi. Je trouve ça assez cocasse. Il y a deux ans, alors qu’elle était très malade et que sa famille avait perdu espoir, les volontaires l’ont accompagnée à l’hôpital pour qu’elle puisse être soignée. Aujourd’hui, elle va beaucoup mieux, elle s’est mariée l’année dernière et a un petit garçon de neuf mois prénommé Jewesh. Quand on va les visiter on arrive, de temps en temps, à l’heure de la toilette du petit. C’est un moment très beau. Elle le lave avec de l’eau qu’elle tape sur son corps, puis le couvre de talc et le maquille. Elle dessine des points noirs sur son visage, un sur le front, un sur la joue et un sur le menton pour éviter que son fils ne soit trop mignon et chasser les esprits mauvais qui voudraient s’en emparer. Malheureusement ce petit bonhomme a un problème d’audition et doit subir une opération pour qu’il puisse entendre correctement. La date de l’opération ayant été fixée le mois dernier, nous avons accompagné Ramia à l’hôpital de Chennai, à deux heures de route, avec son mari et son fils. Il fallut faire la queue longtemps pour les admissions dans les grands bâtiments. Pas franchement indispensables dans cette aventure, nous les soutenons en tenant les sacs et en faisant la conversation. A l’heure du déjeuner, nous descendons tous dans la cour de l’hôpital et Ramia me laisse son bébé pour le nourrir avec des petits bouts de gâteau et disparaît dix minutes pour aller manger. Quelle confiance de laisser une petite blanche de vingt-deux ans, qu’on a vu trois fois dans sa vie, avec son bébé. J’aurais pu partir avec lui, mal le nourrir, le laisser tomber par terre… Pas de problème, elle revient ensuite comme si de rien n’était. Finalement, le petit ne sera pas opéré ce jour-‐là et nous replions bagages pour rentrer à Chengalpet. Dans le compartiment pour femmes du train du retour, Ramia se recroqueville et pose sa tête sur mes genoux pour dormir. Le moment n’aura duré que quelques minutes avant que Jewesh ne se remette à pleurer. Pourtant, il m’aura beaucoup touchée. Cette femme devenue maman qui, un instant, redevient petite fille et s’endort sur mes jambes en toute confiance, moi qui, il y a encore quelques mois, était une inconnue. Son amitié m’est donnée si vite et si simplement.
Apprivoisement par le jeu
Maguelonne vient de rejoindre Guillemette, Chiara et Paola au Point-Cœur de Chengalpett en Inde. A défaut de pouvoir engager de grandes conversations en Tamoul, elle apprivoise les enfants du quartier à travers les jeux.
C’est avec Yenbitnes que j’ai fait la première expérience de créer un lien avec un enfant sans l’aide de Paola, Guillemette ou Chiara. On est arrivé à quatre dans la maison des parents de Vanu, et Yenbitnes se trouvait là. C’est le fils de la voisine, il a quatre ans. Il était très impressionné et timide de voir arriver autant de monde dans cette maison. Je lui ai posé quelques questions en tamoul, mais face à sa passivité et après avoir remis en question ma prononciation, je lui ai proposé des jeux. Timidement, il s’est approché, pas de trop près quand même. L’avantage avec les petites voitures, c’est qu’on peut jouer en restant loin. C’est d’un bout à l’autre de la pièce que l’on commence à s’échanger des regards, des mots, des gestes, des sourires et des rires ! On est parti en laissant sur son visage un sourire heureux.
Le jeu préféré des enfants c’est le Memory. Pendant ces quatre semaines, j’y ai joué un bon nombre de fois (je stimule ma mémoire pour mieux retenir le tamoul !). Dans une maison du haut de la ville, dix enfants étaient là (les enfants du voisinage), avec eux les règles sont différentes. Le but du jeu est de trouver toutes les paires, pour cela tous les coups sont permis : mettre sa mémoire au service de l’autre en l’aidant à trouver la paire, respecter le tour de chacun pour profiter du jeu, accueillir et intégrer la nouvelle venue qui rentre juste de l’école, partager la joie du suivant qui trouve la paire, ne pas compter les points et commenter les images. J’étais très surprise de voir leur partage naturel, leur facilité à profiter pleinement de cette demi-heure de jeux et leur capacité à créer une unité entre chacun quand l’un part, l’autre arrive, le troisième chante, le quatrième combat les moustiques, le cinquième démarre un autre jeu. L’important est de jouer, de s’amuser et de profiter de ce moment ou de respecter les règles, de faire régner l’ordre et de gagner. Ces enfants ont très bien su me montrer ce qu’ils souhaitaient ! […]
J’ai fait la connaissance d’une famille qui habite après la décharge de Chengalpet. C’est un quartier d’intouchables situé à l’écart de la ville. Avec Paola, j’ai d’abord rencontré Vagesh (dix ans) qui me demandait d’aller jouer chez lui, puis il nous a présenté son petit frère Harish (neuf ans) et sa mère, Parimala, qui attendait devant la maison. Paola, les a rencontrés en même temps que moi. Impatients de jouer et ne tenant plus en place, les garçons me demandaient : « Maggy akka, games games ! »et la valse rapide des jeux a commencé ! J’ai sorti les Mikados, jeu qui demande une certaine dextérité et concentration. Leur but était juste de jouer le plus possible pour profiter de ces jeux qu’ils n’ont pas. Incapables de contenir leur énergie et leur enthousiasme, ils criaient « tricheur » pour arriver plus vite à leur tour, mais ils allaient à toute vitesse donc leur temps de jeu se réduisait à deux secondes… Ils me lançaient chacun leur tour un regard qui voulait dire : « J’espère que tu n’as pas vu les mikados bouger, comme ça je peux continuer à jouer. »Malheureusement pour eux, le frère n’avait pas ses yeux dans les poches ! Memory, Jenga, la même énergie vivante les habitait. C’est le papier et les crayons qui les ont un peu apaisés. Vagesh, Harish et Parimala ont laissé une trace de ce qui se passe dans leur être, une trace de leur passage. Il me tarde de les retrouver, Paola a croisé Vagesh hier qui rentrait de l’école, il a insisté pour qu’on revienne jouer chez lui. C’est dingue, trente minutes de jeux partagés ensemble il y a deux semaines, et il garde ce souvenir bien présent.
Auprès d’eux, se simplifier…
Accueillir les nouvelles volontaires est une mission dans la mission. Guillemette approfondit ainsi sa présence, sa mission auprès des amis du Point-Cœur de Chengalpet.
Pourquoi ma présence ici en mission ? Ce mois-ci je suis devenue l’« Akka » de la maison, c’est moi l’ancienne qui transmet à nos deux nouvelles volontaires notre quotidien, nos amitiés, la culture indienne… Me voici transformée en professeur de tamil, apprentie chef en cuisine indienne, organisatrice de la vie quotidienne, hihi ! Car notre vie est possible par le maillage des générations, où les anciennes apprennent aux nouvelles notre raison d’être dans le quartier (Paula Akka, ma grande sœur argentine, a dû nous quitter pour quelques semaines). J’ai de la chance, Chiara est pleine d’enthousiasme et le cœur grand ouvert pour rencontrer et aimer nos amis, Maguelonne n’arrive que dans une semaine*. Un petit coup d’œil dans notre quotidien ? Hier, nous avons cuisiné le matin pour Babu Anna, notre ami seul chez lui. Sa famille et ses filles sont parties vivre dans la famille maternelle. Il a beaucoup de mal à joindre les deux bouts. Puis, débarque Sarala Akka à qui nous offrons les chapatis restants. Cette amie vient nous visiter presque tous les jours pour trouver un refuge, son mari boit et elle n’a pas d’autre choix que de travailler dur comme femme de ménage pour subvenir à ses besoins et éduquer ses deux filles Saranya et Magalakshmi.
L’après-midi, après la sieste et le chapelet, commencent nos apostolats. Nous allons visiter Abdul et Selima, deux frères et sœurs très touchés par la maladie : Selima a eu plus de dix opérations chirurgicales. Et pourtant, ils accueillent largement le petit frère, le neveu, le voisin et la voisine, seul endroit où ils ont trouvé refuge et amour. Nous visitons aussi Yasmine et sa famille, une famille musulmane qui nous accueille toujours à bras grands ouverts avec un jus ou un café indien (du lait, du café et beaucoup de sucre. Celui offert par nos amis est le meilleur !) Yasmine, du haut de ses douze ans vient de devenir une « grande fille » avec sa puberté. Ils ont donc fait une grande fête avec les robes en velours, coiffes de fleurs jusqu’aux pieds et plusieurs kilos de bryani pour les nombreux invités. On ne peut plus les quitter : « Restez encore cinq minutes avec nous ! » « Vous venez la semaine prochaine ? »
Je crois que Chiara, et bientôt Maguelonne sont affreusement mal tombées avec moi. Car je déteste m’ennuyer et vivre la routine ! L’Aventure scoute ! Attention à ne pas exprimer trop sérieusement ses désirs à Dieu ! Il nous prend au sérieux, et sait comment mettre du piment dans nos vies, hihi ! Ainsi Dieu nous surprend et nous attend dans le quartier.
Dimanche, nous sommes allées visiter nos amis de la décharge, un quartier d’intouchables. C’est incroyable comme de nombreux nouveaux enfants courent à notre rencontre, ils sont avides de jouer aux Mikado ou Jenga, dessiner et colorier nos images de saints. Une nouvelle amie nous reçoit pour la première fois, elle nous raconte qu’un an après son mariage, son mari l’a abandonnée pour une autre femme. Quelle culpabilité pour elle vis-à-vis de ses parents qui ont payé la dote onéreuse, et quelle honte pour la société indienne… Désormais, nous la visitons chaque dimanche, c’est comme si c’était évident pour elle, notre amitié ! Elle a le cœur grand ouvert pour nous accueillir et partager du temps ! Comme je le disais à Chiara, notre mission, et surtout nos amis nous donnent de nous simplifier. Ils nous invitent à regarder l’essentiel dans nos vies et nous apprennent à réellement nous occuper les uns des autres. J’ai appris à décortiquer un crabe chez cette amie de la décharge : à notre deuxième visite, elle ne nous a pas laissées partir sans qu’on déguste crabe et poisson mijotés aux épices, piment rouge et feuilles de curry. C’est leur plus belle façon de nous aimer : nous donner ce qu’ils ont de plus précieux, la nourriture qui nous permet de vivre et survivre. Leur générosité me touche beaucoup !
*Maguelonne est maintenant au Point-Cœur !
« A n’en pas douter, Dieu m’attendait là-bas »
Antonine revient juste de dix-huit mois de mission à Chengalpett en Inde, une mission simple, plongée dans une réalité toute différente, une école et une intense action de grâces.
Fini le spectacle de la rue avec sa circulation rocambolesque, son concert de klaxons, ses odeurs d’épices et de fleurs de jasmin, ses vaches, ses véhicules surchargés et la démarche princière de ces femmes indiennes en saris colorés… Je me revois assise à l’aéroport attendant fébrilement le décollage pour l’Inde. Dix-huit mois me paraissaient alors bien longs. Je n’étais pas rassurée à l’idée de quitter la France pour ce pays de plus d’un milliard d’habitants, dont je ne connaissais absolument rien. J’étais loin d’imaginer que la culture, le mode de vie et les mentalités différaient aussi radicalement de la civilisation occidentale. J’ai découvert une réalité bien différente de la nôtre, un pays où les gens sont particulièrement chaleureux, accueillants et profondément croyants. En vivant dans un quartier marqué par des souffrances matérielles et morales (pauvreté, alcoolisme, maltraitance), j’ai aussi pris conscience de la dureté de leur vie quotidienne, de la logique des castes, du fatalisme social et du combat des femmes victimes d’injustice. Avec Points-Cœur, j’ai été pour nos amis du quartier une présence de compassion dans les moments de joie comme dans les épreuves. Je n’ai pas cherché à les changer car Points-Cœur ne prétend pas vouloir changer le monde mais simplement réconforter les hommes, les femmes et les enfants qui souffrent. Au contraire, j’ai appris à « me laisser guider par les événements, les imprévus, à ne pas être dans l’attente et à accepter que nos projets soient contrariés ». Difficile pour moi de retranscrire ce que j’ai vécu pendant dix-huit mois. Mais à n’en pas douter, Dieu m’attendait là-bas. Je rends grâce pour toutes les amitiés que j’ai reçues et que je garderai précieusement dans mon cœur. Cette belle mission à l’école des plus pauvres et des plus souffrants sera j’espère un fondement pour toute ma vie.
En Inde, on ne peut pas vivre l’expérience à moitié !
Depuis peu au Point-Coeur de Chengalpett, Guillemette décrit cette expérience haute en couleurs, saveurs, rencontres et nouveautés…
L’Inde est un pays qui nous prend aux tripes, on ne peut pas vivre l’expérience à moitié : cette nourriture épicée qu’on mange avec les doigts, ces saris colorés que portent les femmes, les klaxons et vendeurs à la sauvette qu’on croise partout dans la rue. Je me souviens de ce jour où mes sœurs de communauté sont venues me chercher à l’aéroport. Nous négocions en tamoul la course pour 1300 roupies (environ vingt euros pour 1h de route) et nous voilà embarquées : il est 5h de l’après-midi, heure de pointe, et nous nous embarquons à soixante kilomètres à l’heure, sur cette route endiablée. Motos, rickshaw, bus, voitures et camions se dépassent et s’emboîtent sans foi ni loi. Une seule règle prône : klaxonner plus fort que ses voisins pour se frayer un chemin ! Nous dépassons une moto avec le papa et ses deux enfants à califourchon, derrière la maman, assise en amazone tenant son dernier enfant par le bras. Ici, l’essentiel c’est de se déplacer, plus on est nombreux mieux on se porte! Malgré tout, dans ce « capharnaüm », les Indiens sont sereins. Oui, les Indiens ont foi en la vie. C’est sûrement parce qu’ils ont une foi évidente en l’existence de Dieu, qu’ils soient hindous, chrétiens ou musulmans. Ils acceptent aussi leur sort, leur pauvreté ou leur vie monotone comme ils sont, avec une grande humilité. Sans doute du fait de l’hindouisme bien ancré : si on vit bien sa vie, on a des chances de se réincarner dans une meilleure condition. Dans l’avion, mon voisin (jeune étudiant de New Dehli) me disait : « Just relax and trust in life ». C’est leur lâcher prise, allant parfois jusqu’au laisser-aller (qui peut nous surprendre car nous avons tendance à vouloir agir pour changer les choses !) Mon autre voisin dans l’avion, un gourou dans la tradition hindou, voyageant avec pour seul bagage un sac en toile et une couverture, me disait : « Tu verras, c’est le “syndrome indien”. Soit on aime, soit on n’aime pas. Mais, quoiqu’il en soit, on en revient transformé… » Ce qui est étonnant dans cette culture c’est que chacun a un rôle bien défini. C’est le fait des castes qui définit le métier que l’on exerce… Ainsi, nous sommes allées acheter mes nouveaux vêtements, des tchulidads (tuniques colorées portées par les femmes indiennes). J’ai cette chance de m’habiller à l’indienne ! Ça nous est d’ailleurs très important : ainsi nous nous immergeons pleinement dans la culture et partageons la vie de nos amis. A l’entrée du magasin, un homme a pour rôle de mettre en consigne nos sacs. A chaque étale, plusieurs vendeurs viennent nous conseiller et on ne peut descendre sans qu’un accompagnateur indien ne vienne récupérer nos emplettes pour les descendre à l’étage inférieur. Une fois les tissus achetés, direction le tailleur qui va coudre mes nouveaux vêtements. Notre amie couturière est incroyable par sa joie de vivre, même si je ne comprends pas la langue, son sourire et son regard pétillant communiquent bien plus. Dans sa boutique de deux mètres carrés elle reçoit les clients, coud, garde ses enfants après l’école… Malgré la simplicité de sa vie, elle se réjouit de ce qu’elle a ! Je vous partage ma joie d’avoir maintenant mes tchulidads prêtes, elles sont magnifiques ! Notre amie a ce sens du détail, les mesures sont prises à la perfection !
« Observer et imiter le quotidien de nos voisines me passionne »
Antonine est depuis plus d’un an au Point-Cœur de Chengalpett en Inde. La présence des volontaires auprès des mamans, des enfants, des amis de divers coins du quartier, quelque soit la caste, redonne une dignité due à chacun.
Dans notre quartier, personne ne passe inaperçu et la moindre modification aux habitudes suscite une curiosité instantanée. Notre voisine Mohana connaît notre emploi du temps par cœur ! S’asseoir quelques minutes avec elle, tous les jours, fait maintenant partie de notre quotidien. Au premier abord, Mohana est une femme intimidante : aînée d’une famille de huit filles, elle possède un vrai tempérament de leader, ne baissant jamais les bras, prenant les problèmes comme ils viennent et ne se tracassant pas, outre mesure, pour le lendemain. Mais elle est aussi pleine d’humour et particulièrement attachante. Très croyante, elle est un exemple, parmi tant d’autres femmes indiennes, qui gardent une force de caractère indestructible en dépit de souffrances parfois accablantes. Son mari est mort il y a quelques années d’une crise cardiaque. Elle a dû retourner avec ses deux enfants chez ses parents, puisqu’en Inde une femme ne peut pas vivre seule après la mort de son époux. J’ai appris à connaître son histoire avec le temps car Mohana ne s’apitoie jamais sur son sort. Au contraire, elle semble accepter de vivre bien chaque jour et assume avec toutes les possibilités humaines, la situation dans laquelle les circonstances de la vie l’ont placée, si difficile que soit cette situation.
En Inde, les villes et surtout les villages sont structurés selon les castes. Ainsi, chaque groupe réside à un endroit précis, les familles de castes dominantes se trouvant généralement au centre de la ville ou du village, près des temples majeurs et les castes inférieures en périphérie. A la sortie de Chengalpet, près de la décharge, à part quelques maisons riches en pierre dure, les maisons sont sans eau courante, au sol en terre battue et aux toits en feuilles de bananes. Ici, malgré la pauvreté et l’alcoolisme qui touchent de nombreuses familles, la vie bat son plein et la rue est le royaume des enfants. Leur insouciance, leur joie d’exister, leurs sourires magiques, leurs regards lumineux colorent de beauté cet endroit. Ceux qui vivent là, sont joyeux et souriants, non pas que la vie y soit facile, loin de là, mais parce qu’ils savent bien que s’ils perdent cette joie, ils sombrent dans le désespoir. Nos visites s’y sont intensifiées, tant les enfants sont demandeurs de notre présence. Mes amis ici me rappellent que l’essentiel de ma mission est de redonner à chacun la dignité qui lui est due, en demeurant auprès d’eux, en les aimant toujours plus et en étant une présence de compassion dans chaque épreuve sans laquelle le goût et la volonté de vivre se désagrègent.
Bien que les Tamouls adorent les jeunes enfants et que ces derniers jouissent d’une grande liberté jusqu’à un certain âge, ils apprennent, très jeunes, à se débrouiller seuls, en particulier dans les familles pauvres, où souvent les deux parents doivent s’absenter pour travailler. Les filles apprennent à devenir des futures mères de famille dès leur plus jeune âge, imitant leur mère pour ce qui est des travaux ménagers, aller chercher l’eau, dessiner le kolam, cuisiner, etc… Sur cette photo, il y a Ritishka, deux ans, notre voisine, qui prépare les seaux que sa tante va devoir remplir dès que le camion arrivera ! Il y a aussi Ammu qui, à treize ans, sait déjà porter six litres d’eau sur sa hanche ! C’est elle qui est chargée de porter l’eau à la maison. Son papa est décédé il y a quatre ans, aussi, sa maman doit-elle s’absenter toute la journée pour travailler. Il y a aussi Tamizhrasi et Vittoria (deux amies habitant près de la décharge) qui aiment nous apprendre à cuisiner des plats tamouls. Après l’école et en attendant le retour de leurs parents, tous ces enfants aiment passer du temps au Point-Cœur pour jouer, dessiner, cuisiner, prier. Nous nous efforçons de toujours leur donner de notre temps, leur offrir une oreille attentive et surtout une présence et l’amour dont certains manquent. Voilà maintenant plus d’un an que je suis plongée au plein cœur d’une réalité qui m’était jusque-là inconnue.
Si, au début de ma mission, j’ai adopté la culture et les conditions de vie locales par nécessité, aujourd’hui observer et imiter le quotidien de nos voisines me passionne. L’Inde ne s’aborde pas facilement mais j’ai appris avec le temps à apprécier les coutumes locales et à ne pas juger les attitudes indiennes en fonction de l’éducation que j’ai reçue. Bien au contraire, je prends plaisir à vivre avec eux et comme eux, à être au milieu de tous ces enfants de toutes ces familles, une présence humble et discrète qui se donne à chaque instant.
L’hospitalité, réponse à la solitude
Antonine est au Point-Cœur de Chengalpett en Inde, auprès des ces amies, elle découvre et vit une hospitalité du cœur qui répond à beaucoup de maux.
Nous poursuivons nos visites hebdomadaires à la léproserie dans les deux parties réservées aux femmes : d’un côté, le block, où les lépreuses habitent de petites maisons enfouies dans la nature et, de l’autre, le ward, une grande salle où sont alignés une trentaine de lits en fer pour les femmes ayant besoin d’un traitement. Chaque semaine, mon affection grandit pour ces femmes qui nous ouvrent leur cœur et donnent leur amitié. Elles sont toutes très touchantes, chacune à sa façon, leur caractère étant différent. Elles veillent les unes sur les autres, attentives à ce que nous puissions passer du temps avec chacune d’entre elles. Je vous avais parlé, dans une lettre précédente de Sucilamma, toujours aussi énergique et bavarde. Il y aussi Ponamma, beaucoup plus calme et sereine, mais infiniment seule. Ne pouvant plus se déplacer, elle passe ses journées entières assise ou allongée sur le seuil de sa maison, sans se plaindre. Sa famille habite trop loin pour venir la voir. Chaque visite que nous lui rendons la rend heureuse, nous dit-elle. Malgré sa solitude, son regard dégage une paix bouleversante. Il y aussi Alemele et Shanti, deux voisines et amies prenant soin l’une de l’autre. Ici, la solitude est leur plus grande pauvreté, aussi, notre présence n’est pas optionnelle.
Voici Sarala qui vient au Point-Cœur tous les matins, après avoir déposé ses deux filles de quatre et sept ans, Magalaxmi et Sarana, à l’école. Son mari étant alcoolique, c’est elle qui doit subvenir aux besoins de la famille, en échange de quelques travaux rémunérateurs. Son visage est marqué par la souffrance. Elle a trente-deux ans, mais en paraît cinquante. Ses visites sont simples : nous bavardons autour d’un café, elle est toujours curieuse de savoir comment nous vivons dans nos pays. Moi, qui me plains toujours que mon tamoul soit très limité, avec elle, je me surprends à pouvoir parler de tout. L’heure tourne à chaque fois trop vite. Sarala essaie toujours de repousser le moment où elle doit aller travailler. Je crois sincèrement que notre présence quotidienne et notre affection pour elle l’aident à garder espoir, à apaiser sa solitude, à se battre jusqu’au bout et à vivre joyeusement, surtout lorsqu’elle est entourée de ses filles. Il est toujours difficile pour moi de décrire ce que je vis ici. Notre quotidien est fait de petites choses. Ma vie à Points-Cœur, depuis onze mois maintenant, c’est avant tout être proche de celle des autres, accueillir chaque jour les enfants, être attentive à chacun d’entre eux, visiter et recevoir nos amis pour écouter leurs inquiétudes, leurs peines, leurs souffrances. C’est aussi partager leurs joies, autrement dit, avoir une vraie hospitalité du cœur. Difficile d’avoir une hospitalité simple et vraie quand nous nous trouvons dans un pays où l’hospitalité fait partie intégrante de la culture depuis des siècles et, qui plus est, au milieu des plus pauvres qui, eux, savent nous accueillir avec le cœur, sans prétention.
Contrastes, couleurs, odeurs, rencontres des premiers jours en Inde !
Cléa vient d’arriver au Point-Cœur d’Inde, premières impressions et premières rencontres, colorées !!
Me voici en Inde depuis trois semaines, après un vol de 13 heures 45, où je n’ai pas réussi à trouver le sommeil, coincée sur mon siège entre deux Indiens bien endormis. J’ai posé mes pieds dans l’état du Tamil Nadu, à Chennai, par une chaleur de 36 degrés. Premier panorama : des ouistitis partout, des vaches allongées au milieu de la route, des pousses-pousses motorisés en abondance, et des bus pleins à craquer. Le pays tamoul est un état indien où les traditions sont bien ancrées. C’est pour cette raison que j’ai été accueillie selon la coutume indienne : chants, collier de jasmin, bindi sur le front et repas de fête.
La ville où j’habite, Chengalpattu, se trouve à une heure environ en train de Chennai. C’est une chouette ville, délimitée par les montagnes, avec de jolies maisons colorées. Sur le seuil des portes des maisons, on aperçoit des kolam, des dessins géométriques dessinés sur le sol en signe d’accueil. J’apprécie ma nouvelle maison où, avec mes deux sœurs de communauté, Jennifer et Maria, l’on vit à l’indienne : des nattes en guise de matelas, des coussins en guise de sièges, un tapis en guise de table, des gamelles et des épices dans la cuisine. Difficile de décrire ce que je vis ici. Chaque jour, je rencontre de nouvelles personnes ; chaque jour, je découvre un peu plus la culture indienne. Chaque jour est unique.
Lors de mon troisième jour en Inde, je me promenais avec Maria, ma sœur de communauté polonaise, dans les rues de Chengalpattu, lorsque nous avons rencontré un groupe d’enfants, de trois à douze ans. Très vite, ils sont venus vers nous pour nous poser des questions. Maria, qui est en Inde depuis bientôt deux ans, me traduisait : « Quel est ton nom ? Ton âge ? D’où viens-tu ? Aimes-tu l’Inde ? » Voyant que je ne connaissais pas grand-chose à leur langue, ils ont essayé de m’apprendre quelques mots en tamoul, mais ils ont vite trouvé une idée bien plus amusante : m’apprendre la danse indienne ! Sous un soleil de plomb, j’ai donc (essayé) d’apprendre les gestes qu’ils me montraient. Au début, à chacun de mes mouvements, ils éclataient de rire, attirant l’attention des voisins, qui arrêtaient leurs activités pour nous regarder danser. Une bonne heure s’est écoulée à étudier la danse indienne sous le soleil et, lorsque nous avons arrêté de danser, une fillette d’environ dix ans a enlevé son bindi (le petit point rouge sur le front, qui n’est bien souvent en fait qu’un simple autocollant !), pour le coller sur le mien : « Now, you’re an Indian ! » m’a-t-elle dit. Je dois l’avouer, j’étais ravie de ce geste. Nous n’avons pas pu refuser, avec Maria, lorsqu’ils nous ont demandé de jouer encore avec eux, alors que nous devions rentrer chez nous pour préparer le dîner. Une bonne heure s’est donc encore écoulée, à jouer dehors à divers jeux indiens, puis, voyant qu’il se faisait tard et que nous devions vraiment partir, deux petites filles nous ont préparé un thé pour nous retenir encore… Malignes !
Contraste. C’est le mot qui me vient pour terminer cette lettre.
L’odeur des égouts est mêlée à celle du jasmin, dans les cheveux des femmes.
Les rires des enfants dans les rues font concurrence au bruit des klaxons des pousses-‐pousses.
La rue, envahie d’ordures et de déchets, retrouve chaque matin une seconde jeunesse, grâce aux nombreux kolam dessinés sur le seuil des maisons.
Ne dit-on pas que « la beauté sauvera le monde » (Dostoïevski) ?
Fioretti d’une despedida indienne
Après huit ans de mission en Inde, Agnès quitte ce pays si cher à son cœur pour une nouvelle mission en Amérique latine. Elle a recueilli quelques mots de ses amis indiens :

Fête de départ d’Agnès au Jardin de la Miséricorde
Cela aura fait un peu plus de huit ans que je serai restée en Inde (en comptant ma première expérience en tant que volontaire). « Restée » n’es
t pas vraiment le bon terme… On ne reste pas en Inde, on vit en Inde. Une vie qui dépasse tout ce que je pouvais imaginer. L’Inde est un pays déconcertant, qui m’a permis de repousser toujours plus loin mes limites, de me découvrir telle que je suis réellement ! C’est un pays qui ne peut pas nous laisser indifférents. Incredible India ! Oui ! Vraiment, c’est un masala de tous les extrêmes : je peux passer de l’emportement à l’émerveillement en moins d’une minute ! La vocation qui m’a été offerte me donne la joie de rencontrer le Christ à travers le visage des enfants, des mamans, des grands-mères et des grands-pères de Chengalpet. Pour cette dernière lettre indienne, je voudrais vous partager quelques instants uniques qui m’ont été donnés de vivre.
Voici quelques mots de nos amis :
Reka, la première de nos amies. Je l’ai connue lorsqu’elle avait treize ans… Maintenant, elle a un petit garçon de cinq ans ! Elle me demande, comme presque tous nos amis : « Est‐ce que tu m’oublieras ? » Bien sûr que je ne peux pas oublier tous ces visages ! Et elle, d’ajouter : « À partir du jour où vous avez emménagé dans cette maison, c’est une love story qui a commencé. » Oui, et on ne peut pas oublier une histoire d’amour !
Barathi s’inquiète pour Maria, Dominika et Jennifer : « Qui va s’occuper d’elles ? » Je suis touchée par son attention.
Shiva, lui donne la réponse : « Le Seigneur s’occupe de TOUT ! ». Je le remercie pour tout ce qu’il a pu m’enseigner. « Mais que t’ai‐je enseigné ? » Tellement de choses ! La fidélité dans l’amitié, la vérité dans les relations…
Babu annan et Jasmine akka : en arrivant chez eux, je demande où est Babu annan car j’ai quelque chose à leur annoncer. Jasmine se précipite au magasin, afin qu’il puisse le fermer et qu’il vienne nous rejoindre ! Après un petit moment, ils me demandent : « Que pouvons nous t’offrir ? » Je leur réponds que le plus grand cadeau est de garder en mémoire leur sourire.
Lattha : elle me dit tout simplement : « Ok ! Tu t’en vas… alors je viens avec toi ! — Mais tu sais, Lattha, là‐bas, on ne parle ni anglais ni tamoul — Pas de problème, je vais apprendre ! »
La lumière des yeux de Potomma
Nathalène vient de vivre une mission en Inde, à Chengalpet. Régulièrement les filles de ce Point-Cœur vont visiter leurs amies de la Léproserie, décrite comme un monde à part de solitude et de pauvreté. Potomma est cette vieille femme, qu’elles vont soigner et visiter, jusqu’au bout…
Nous visitons fréquemment la léproserie. C’est un ensemble de bâtiments immenses. Le bloc des femmes que nous visitons est comme un petit village, un petit monde à part, plein de verdure mais entouré d’un grand mur. Les femmes qui s’y trouvent ont chacune une petite maison d’une petite pièce et les repas sont servis trois fois par jour à la cantine. Nos amies vivent là car elles sont rejetées ou délaissées par leur famille ; elles ne sortent que très rarement, voire quasiment jamais. Elles ne sont pas contagieuses car la lèpre n’est pas active. Cependant, ayant perdu toute sensibilité sur tout le corps, elles ne peuvent rien faire car la moindre plaie peut conduire à une infection et une réactivation de la lèpre et, dans ce cas, elles doivent aller en observation à l’hôpital à côté du bloc. S’il est constaté que la lèpre progresse, elle doivent aller se faire opérer (c’est‐à-dire couper la partie infectée) dans un autre bloc. Ce cas extrême n’est pas celui de nos amies qui vont souvent en observation et se font soigner avant de revenir à leur maison, un mois après en général. Notre visite est donc toujours appréciée dans ce petit monde isolé. Potamma était arrivée récemment à la léproserie. Elle était âgée, très maigre et restait assise sur le pas de sa porte. Elle nous demandait toujours de l’argent et comme nous ne pouvions en donner, elle nous demandait de prier. Après la prière, elle nous redemandait de l’argent et après notre refus nous demandait de partir. Et cela à chaque fois. L’amitié ne se développait donc pas et elle n’était pas très aimable avec grand monde. Un jour, Chrisanne et moi, alors que nous partions après la visite, nous avons senti une très mauvaise odeur en passant devant la maison de Potamma. Potamma avait la jambe dans le plâtre et nous avons craint une réinfection de la lèpre. Elle nous demandait de l’emmener sous un arbre à dix mètres en face pour, disait‐elle, aller à Chengalpet. Nous lui expliquions qu’elle devait voir le docteur pour soigner sa jambe mais elle disait qu’elle l’avait déjà vu et nous suppliait de l’emmener sous cet arbre voulant désespérément aller à Chengalpet. Après avoir hésité, nous avons décidé d’aller voir une des personnes chargées de veiller sur les patientes. Celle‐ci nous répondit de ne pas perdre notre temps, que Potamma ne valait pas qu’on s’occupe d’elle. Un peu choquées, nous sommes allées voir le docteur qui nous renvoya au responsable. Ce dernier nous expliqua qu’il n’y avait pas d’infection mais qu’à cause de sa jambe cassée, Potamma ne pouvait pas bouger. Or personne ne voulait s’occuper d’elle ni la laver. Elle ne mangeait ni ne buvait plus depuis quelques jours. Avec la permission du responsable, nous sommes revenues le lendemain toutes les trois avec savons, désinfectant, lessive, gant de toilettes, etc. Son état était pire qu’on se l’imaginait : couchée sur le pas de sa porte, elle nageait dans ses excréments, des milliers de fourmis rouges venaient manger les plaies à vif. Elle ne sentait rien et ne pouvait plus bouger, affaiblie par le manque de soin mais surtout par le manque de volonté de vivre. Potamma, bien que vivante, était morte. Nous avons lavé et relavé un de ses saris pour la vêtir proprement après l’avoir elle‐même lavée. Au début, les voisines nous criaient de ne rien faire, qu’elle n’en valait pas la peine, mais peu à peu elles se sont tues. Puis l’une d’entre‐elles nous a prêté un baquet pour faire chauffer l’eau, une autre des allumettes… Mes années de scoutisme m’ont permis de faire un feu dans la courette pour chauffer l’eau. Nous avons ensuite porté Potamma dans la cour arrière de sa maisonnette à l’abri des regards. Elle avait peur. Quand j’ai commencé à la savonner, elle a compris notre geste et a demandé alors qu’on lui lave les cheveux. Ses yeux brillaient. Quand elle fut propre, nous avons nettoyé sa maison au désinfectant. Heureusement, elle n’avait rien qu’une pièce vide. Nous lui avons mis tant bien que mal son sari propre ; le moindre mouvement lui était douloureux. Chrisanne lui a donné à boire pour enlever les fourmis, puis à manger. Elle n’a pris que deux bouchées de riz. Nous l’avons réinstallée ensuite sur le pas de sa porte. Avant de partir, je l’ai prise en photo et le lui ai montré. J’ai vu des étoiles dans ses yeux et y ai lu une dignité et une humanité retrouvées. La semaine suivante, nous lui avons acheté un tuyau pour ses besoins et les infirmières nous ont promis de la laver régulièrement. Notre geste a beaucoup touché toutes les voisines de Potamma ainsi que le personnel de la léproserie. Une semaine après, alors que nous étions au jardin pour notre jour de repos, un coup de téléphone de la léproserie nous a appris le décès de notre amie. Nous y sommes allées avec le Père Olivier qui est indien. Ils ne pouvaient pas l’enterrer sans le consentement de la famille qui restait injoignable. Son corps était resté dans l’état, juste recouvert d’un sari et d’un peu de poudre. Nous avons prié en pleurant. L’après-midi nous y sommes retournés pour l’enterrement (la famille avait été mise au courant). La procession funéraire se composait de quelques hommes de l’hôpital ; la famille ne s’était pas déplacée. Elle fut enterrée, des détritus qui trainaient là furent jetés sur son corps avant d’être recouvert de terre. Potamma a vécu sans mémoire et sans dignité, rejetée de tous et est morte de même. Mais je bénis le Seigneur de nous avoir permis de lui rendre la lumière de ses yeux et d’avoir pu contempler ses pauvres lèvres former un sourire.
« Quand les filles viennent nous visiter elles prient avec nous et nous recevons la force de Dieu. Nous ne regardons pas les différences entre musulmans et chrétiens : nous sommes comme frères et sœurs. Nous ne les regardons que comme nos sœurs et nous ne voyons pas de différence. They are always welcome ! (Elles sont toujours les bienvenues) On ne les laissera jamais partir sans leur donner quelque chose à manger ! Quand on les voit notre cœur s’ouvre. On peut leur dire nos soucis et alors on se sent libérés. Quand une des filles vient à la maison on est vraiment heureux ! »
Salima et Abdul, amis du Point-Cœur
« Aujourd’hui, le modèle de la famille élargie se désintègre peu à peu. Les grands-parents sont maintenant seuls et doivent prendre soin d’eux-mêmes. Donc de nos jours quand vous venez demander aux grand-parents ce qu’ils ont mangé ou comment ils vont c’est comme s’ils recevaient 10 millions de roupies ! Tous mes enfants connaissent Points-Cœur. Les volontaires sont proches de ma famille, ils ont partagé mes joies, mes souffrances et quand cela devenait trop difficile ils pansaient mes blessures et prenaient soin de moi. Pour moi, Point-Cœur est comme une « maison maternelle ». Je n’ai pas à demander si je peux venir, il y a une grand liberté, il n’y a pas de restrictions, je peux être moi-même. Points-Cœur, c’est comme l’oxygène : comme il est gratuit on l’apprécie davantage et on vit plus longtemps. Si on devait payer on n’en jouirait pas autant et personne ne vivrait aussi longtemps. Grâce à Points-Cœur j’ai beaucoup d’amis. C’est un véritable don. Je ressens une grande confiance, je sais qu’ils vont prendre soin de moi parce que c’est comme ma « maison maternelle ». Il y a de bons repas, de bons amis, la sécurité et la liberté. Si je meure demain je sais que ma famille aura une maison. Je suis très fière de dire que je fais partie de cette grande famille Points-Cœur. Ils ne se préoccupent pas de la caste ou de la religion ou d’autre chose. L’amitié de Points-Cœur est un don de Dieu pour moi. »
Indirama, amie du Point-Cœur
« Dans cette vie, j’ai trouvé la simplicité du coeur, des gestes, des paroles par les échanges avec les amis de notre quartier. Et puis, ma conscience s’est arrêtée à l’essentiel : la présence du Christ dans ma vie, dans chacune des petites choses que je pouvais faire pour la maison, mes soeurs de communauté, la chapelle … mais aussi dans toutes les rencontres que je faisais. J’ai appris à profiter du moment présent au milieu de ce bruit constant de klaxons, de musique et ce fourmillement de monde. Se laisser guider par les évènements de la journée m’a permise de ne pas être dans l’attente, souvent déçue d’un résultat car en Inde, il faut très souvent gérer les imprévus et accepter que nos projets soient contrariés. Cependant, je me suis trouvée démunie face à la pauvreté du pays, je me suis sentie impuissante face à cette réalité très différente que je devais accepter. C’est alors que je me suis retrouvée face à moi-même, mes limites et mes difficultés. Cette expérience avec les amis que nous visitons à pied au travers de la ville m’ont apporté bien plus que ce que j’ai pu leur donner et que tout ce que j’aurais imaginé. Dieu m’a fait un cadeau lorsqu’il m’a appelée sur ce chemin rempli de grâces mais aussi d’épreuves. Il m’a fait découvrir au travers de la culture indienne traditionnelle, le rôle de la femme. Mais aussi j’ai compris que Jésus avait besoin de moi partout pour que je sois témoin de son Amour car la plus grande souffrance c’est de ne pas être aimé. »
Iris F., volontaire française
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